LA GUYANE
Nous franchissons le fleuve le dimanche matin, allons faire tamponner le passeport de Bobo et attendons toute la matinée le départ du taxi collectif pour Cayenne.
Saint Georges de l’Oyapoc est un petit village où de nombreux Brésiliens viennent faire leurs courses.
L'arrivée à St. Georges de l'Oyapok
L’après midi, nous arrivons à Cayenne. C’est une petite ville centrée sur la place des palmistes et le carré de rues anciennes se coupant
à angles droits.
La place des palmistes. C'est le coeur de la ville.
La maison de Félix Eboué. Gouverneur de l'Afrique équatoriale pendant la 2ème guerre mondiale. Originaire de Guyane, il rallie l'empire colonial à la France libre en 1940.
Il reste beaucoup de vieilles maisons coloniales, souvent en très mauvais état mais quelques unes commencent à être restaurées. Certaines transformées en musées. Bien que située au bord de l’Atlantique, Cayenne n’est pas tournée vers la mer, il est vrai que l’eau boueuse n’incite pas à la baignade.
Le musée des cultures guyanaises
Nous avons de la chance, février est le mois du carnaval et tous les dimanches après midi, les groupes défilent en ville.
Des entreprises, des associations, des groupes de quartier défilent au son des tambours.
Mais le spectacle est aussi parmi les spectateurs.
Par contre ce qui est surprenant, c’est le calme des spectateurs: pas de bruit, pas d’applaudissements.
Nous louons une petite voiture pour aller voir un village Laotien à proximité de Cayenne. Ce sont des Mhongs, une minorité montagnarde du Nord du Laos qui ont été rapatriés en France après la victoire communiste en 1976. On leur a permis de s’installer dans la forêt guyanaise qu’il fallait peupler à l’époque. Ils ont construit eux même leur village et se sont lancés dans la culture maraîchère. Ils ont très bien réussi puisque ce sont eux qui approvisionnent le Guyane en légumes.
J’étais allé les voir il y a 30 ans quand je vivais en Guyane. A l’époque, ils habitaient des maisons, portaient leurs tenues traditionnelles et parlaient Mhong. Maintenant: maisons en dur, tout le monde parle et s’habille français. Il y a de nombreux restaurants et même un hôtel avec des bungalows flambants neuf.
L’après midi, nous allons voir le zoo de Guyane spécialisé dans les animaux locaux.
ou sur des passerelles on chemine entre les arbres de la forêt au zoo de Guyane.
Les animaux proviennent tous de la région.
Agouti. C'est un rongeur de la famille du rat qui est comestible.
Le Tapir. Il mange des insectes.
Le Toucan. A ne pas confondre avec le Tout Con commun
Ibis rouge. Il doit sa couleur aux crevettes qu'il mange. Comme le flamand.
Le lendemain nous ramenons la voiture à l’aéroport (non sans m’être fait flasher à plus de 80. Eh oui, j’avais oublié ce détail!) et nous partons pour Maripasoula, un village perdu dans la forêt. Il n’est accessible qu’en avion ou en pirogue. Petit problème, notre sac reste à Cayenne, Il devrait nous être livré plus tard. L’avion est trop chargé.
Avec le petit avion, on survole la forêt à basse altitude. Cela permet de bien voir la canopée même s’il y a des turbulences. Finalement le vol est assez agité.
Nous faisons une escale à Saul. Un village vraiment perdu avec une piste en latérite (c’est la première fois que je me pose sur ce genre de piste) et un hangar en guise d’aérodrome. Par contre cela semble un endroit sympa avec des possibilités de randonnées en forêt. Je regrette de ne pas avoir prévu d’y passer un jour ou deux.
L’arrivée à Maripasoula au bord du Maroni.
La forêt commence dès les dernières maisons du village. Les sentiers, même tracés et balisés sont difficiles car encombrés de lianes, de gros troncs et très humides.
Maripasoula c’est aussi le point de départ pour les villages Amérindiens du haut Maroni. Théoriquement il faut une autorisation préfectorale pour y aller mais pour une courte visite on peut s’en passer. Un piroguier Amérindien (David) nous emmène à Antecum Pata.
Le fleuve est parfois tranquille.
Parfois entrecoupé de rapides qu’on appelle ici des « sauts »
Les piroguiers connaissent vraiment bien leur affaire. Ils naviguent (c’est le cas de le dire) entre les obstacles qu’ils repèrent à un remous, un changement de couleur de l’eau…
Nous arrivons chez David et sommes accueillis dans sa famille. Nous installons les hamacs sous la maison et à midi, en plus du poulet nous pouvons goûter à l’iguane.
Une partie de notre repas: L’iguane
Bien sur ce n’est pas ce qu’on a mangé de meilleur mais si vous soulez goûter, on vous donne l’adresse.
Réveillés par les poules, les singes, les chiens et les perroquets, nous partons au petit matin pour les villages du haut Maroni.
Le village d’Antecum Pata est très célèbre, il a été fondé il y a une cinquantaine d’année par un ouvrier Lyonnais parti vivre chez les Wayanas: André Cognat (Antecum en indien) sur qui il y a souvent des reportages à la télé. Ce n’est pas le plus intéressant, mais nous en visitons 2 autres sur le chemin.
Les villages abritent généralement quelques familles (plus ou moins apparentées ensemble). Ils sont centrés sur un espace découvert et une maison commune : le Tukusipan dont le toit en fibre est supporté par un poteau central et décoré d’un ciel sculpté et sur modelé : le Maluwana.
Mais chaque village a aussi sa mairie annexe, sa poste, son dispensaire, sa petite école…
Les indiens pratiquent la chasse, la pêche et ils cultivent le manioc. Celui-ci contient une sève toxique (acide cyanhydrique). Il faut donc le faire bouillir, le râper et le presser dans une « couleuvre » en rotin pour extraire ce poison. Il est ensuite tamisé pour donner le « couac » puis légèrement cuit en galettes : la cassave.
Cuisson de la galette de cassave.
Couac et cassave doivent être humectés pour être consommés.
Depuis une vingtaine d’années, les Indiens ont adopté le « costume » occidental (short et T-shirt) mais les personnes âgées restent encore parfois seins nus. Quads, électricité, télévision, téléphones portables et internet parviennent dans les endroits les plus reculés mais la vie dans les villages reste encore très calme (d’ailleurs il y a peu de jeunes adultes) et très traditionnelle.
Nous croisons parfois des patrouilles de militaires à la recherche de clandestins et d’orpailleurs illégaux.
Pour rejoindre la côte, il faut descendre le Maroni. Cela prend une journée dans une grosse pirogue de fret de près de 20m propulsée par un moteur de 200CV.
Tout l’approvisionnement du haut Maroni se fait en pirogues: voitures, camions, matériaux, carburant et provisions bien sur. Pour les objets les plus volumineux on juxtapose 2 pirogues. Nous les croisons au cours de notre descente.
Tous ces engins franchissent des rapides dont le dénivelé est parfois impressionnant. A l’avant de chaque pirogue un guide indique d’un geste le meilleur chemin au pilote dont la dextérité est bluffante. Il s’engage entre des rochers dans des passages qui n’excèdent que de quelques centimètres la largeur de sa chaloupe.
Le dénivelé est parfois important.
Néanmoins nous n’embarquons qu’une seule fois un peu d’eau au cours de la descente. Par contre 2 jours avant il y a eu un accident et une noyade.
La proue des pirogues est bien décorée
Nous nous arrêtons parfois dans des villages qui répondent à des noms imagés: Apatou, Papaïchton… mais le plus souvent les haltes ont lieu côté Surinam: C’est moins cher.
J’ai travaillé quelque temps à Saint Laurent du Maroni (en 1988). La ville a beaucoup grandit mais le centre a peu changé. Il date de l’époque de la pénitentiaire et cela se voit à l’état des bâtiments même si ceux qui abritent des services publics ont été restaurés depuis.
Le bagne a été créé en 1852 par Napoléon III. En un siècle (il a été effectivement fermé en 1946 suite aux articles d’Albert Londres) on y a transporté plus de 70 000 prisonniers.
Statue de bagnard à l'emplacement du débarcadère
L'entrée du bagne de Saint Laurent du Maroni
La nuit, les déportés n’étaient pas attachés, ils dormaient en hamacs dans les dortoirs sauf si, suite à une sanction ils étaient enfermés dans une cellule du quartier disciplinaire.
Dans la journée les déportés travaillaient puisqu’ils étaient condamnés aux travaux forcés (forçats). Ils devaient développer et peupler la Guyane. La plupart étaient employés aux travaux forestiers ou aux constructions. Les plus chanceux travaillaient dans les bureaux ou chez des particuliers.
La mer d’un côté et la forêt de l’autre gardaient les prisonniers. Les évasions étaient rares.
Entre autres bâtiments, les forçats ont construit un hôpital de 400lits, le plus grand de l’outre mer français dont certains bâtiments sont encore en service.
Après avoir purgé leur peine, les déportés recevaient un pécule mais ils devaient rester en Guyane pour une période égale. C’était la relégation (puisqu’il s’agissait aussi de peupler le territoire). En fait très peu rentraient en métropole.
On pouvait être déporté pour différentes raisons. Certains sont restés célèbres: Dreyfus, Seznec et Papillon bien sûr.
Pour notre dernier jour nous avons reloué une voiture pour aller à Kourou visiter le centre spatial. Cela présente aussi l’avantage d’aller facilement ensuite à l’aéroport car il n’y a pas de transports en commun pour s’y rendre.
La base spatiale de Kourou date des années 60 quand De Gaulle a voulu faire de la France une puissance spatiale. Le premier tir de fusée y a eu lieu en 1968 (avant on les lançait d’Hammaguir dans le Sahara algérien.) Par contre depuis les années 80 la Guyane est devenue le port spatial de l’Europe avec le programme Ariane. Mais on lance aussi des fusées Russes Soyouz.
L'entrée du Centre Spatial de Kourou avec une Ariane V grandeur natue.
Le P.C. Jupiter où sont centralisées toutes les informations lors d'un lancement.
Le pas de tir des Soyouz. Depuis une dizaine d'années l'Europe achète des fusées Russes et les lance depuis Kourou.
Cela lui permet de complèter sa gamme de lanceurs.
Bobo est photographiée devant la fosse qui sert à dévier les gaz brulants qui sortent de la tuyère au décollage.
Le chateau d'eau à droite sert à arroser les boosters lors du décollage pour diminuer les vibrations.
Et celui (en construction) de la future Ariane VI qui doit entrer en service l'an prochain.
Ceci termine donc notre voyage axé sur l’Outre-Mer français.
Nous attendons l’avion pour Paris.
La Guyane, comme les autres territoires a bien changé depuis mon dernier séjour. La population a plus que doublé en 30 ans. Elle est très jeune, il y a des enfants et des écoles partout. Le côté « far ouest » s’est un peu atténué (on trouve de tout) et ma foi, le climat était bien moins chaud et humide qu’attendu. Moins de moustiques aussi. Par contre la sécurité ne s’est pas améliorée. Pas de semaine sans meurtre (sur une population de 200 000Hb).
4 Mois, un tour du Monde (surtout dans l’hémisphère Sud) 2 tubes de dentifrice, 2 brosses à dents, 1 flacon d’after-shave, des dizaines d’heures de bus et de bateau, quelques kilos en moins, des images plein la tête (on ne sait plus où les ranger!). De belles rencontres et des retrouvailles émouvantes parfois et quand même le prix d’une voiture de milieu de gamme, pour moitié en billets d’avion.
Nous avons de la chance, il fait très beau en métropole pour notre retour. Nous allons pouvoir finir d’aménager notre nouvelle maison et…préparer notre prochain voyage.
J’espère que vous avez pris autant de plaisir à lire ces récits que j’en ai pris à les écrire pour vous.
Bonne année 2019 à toutes et à tous donc et…à Bientôt.
Philippe et Bobo